AccueilAccueil  FAQFAQ  RechercherRechercher  MembresMembres  GroupesGroupes  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  



 
-21%
Le deal à ne pas rater :
LEGO® Icons 10329 Les Plantes Miniatures, Collection Botanique
39.59 € 49.99 €
Voir le deal

 

 Interview d’Anne Cordier à l’occasion des Boussoles du Numérique 2023, sur la thématique des Pratiques numériques et informationnelles des adolescents.

Aller en bas 
AuteurMessage
Emma C

Emma C


Messages : 4
Date d'inscription : 05/02/2024

Interview d’Anne Cordier à l’occasion des Boussoles du Numérique 2023, sur la thématique des Pratiques numériques et informationnelles des adolescents. Empty
MessageSujet: Interview d’Anne Cordier à l’occasion des Boussoles du Numérique 2023, sur la thématique des Pratiques numériques et informationnelles des adolescents.   Interview d’Anne Cordier à l’occasion des Boussoles du Numérique 2023, sur la thématique des Pratiques numériques et informationnelles des adolescents. EmptyVen 22 Mar 2024 - 13:53

Cette interview d'Anne Cordier est une bonne introduction à ses travaux, que nous vous invitons à découvrir.



Dans le cadre de la quatrième édition des "Boussoles du numérique" (2023), les étudiants de Master 1 MEEF Documentation de l’INSPE de Bordeaux ont eu la chance d’interviewer des chercheurs en sciences de l'information et de la communication sur leurs travaux.
Ces différentes interviews ont conduit à la production d’un podcast intitulé “Au coeur du numérique” :
https://audioblog.arteradio.com/blog/212130/au-coeur-du-numerique

Emma C et Louise ont ainsi réalisé l’interview d’Anne Cordier sur les Pratiques numériques et informationnelles des adolescents aujourd'hui :
https://audioblog.arteradio.com/blog/212130/podcast/214093/interview-avec-anne-cordier-les-pratiques-numeriques-et-les-adolescents-d-aujourd-hui

Introduction de cette interview :
Lors des Boussoles du Numérique, une journée de conférences s'étant déroulée à Bordeaux en Septembre 2023, autour de sujets centraux tels que les adolescents et le numérique, la multiplication de canaux d'informations ou le développement de l'IA, nous avons pu rencontrer et échanger avec Anne Cordier. Chercheuse en Sciences de l'Information et de la Communication, elle a publié plusieurs articles et ouvrages sur les pratiques informationnelles des adolescents. Peu avant sa propre conférence, elle est ainsi revenue avec nous sur la façon dont les jeunes d'aujourd'hui, loin de donner raison aux stéréotypes connus sur leur rapport à l'actualité, disposent au contraire d'un grand éventail de pratiques qui sont pourtant souvent négligées par les adultes. Nous aborderons aussi le rôle de l'école qui doit se placer comme guide pour apprendre à naviguer dans ce vaste monde numérique.


Transcription de l’interview réalisée par Emma C. : Bien que de légères modifications d'organisation de phrases aient été opérées, pour en permettre une lecture agréable, une attention particulière a été portée au respect du sens de l'audio :


➤ Intervieweur 1 : Bonjour Madame Cordier, merci d’avoir accepté de participer à notre interview ! Est-ce que vous pourriez vous présenter et nous indiquer votre domaine de recherche ?
➤ Anne Cordier : Bonjour ! Je suis chercheuse en Sciences de l’Information et de la Communication (SIC) et je travaille tout particulièrement sur les pratiques informationnelles des enfants et des adolescents, ainsi que sur l'Éducation aux Médias et à l’Information (EMI) dans et hors l’école.


➤ Intervieweur 1 : Pouvez-vous nous décrire, en quelques phrases, les pratiques numériques et informationnelles des adolescents aujourd’hui ?

➤ Anne Cordier : Alors, première chose, on peut dire que les pratiques informationnelles des ados existent ! Ca paraît bête à dire, mais dans la mesure où on entend tout le temps qu’ils n’aiment pas l’information, qu’ils ne s’informent pas, qu’ils ne lisent pas la presse etc…, il est important de le rappeler !
Ensuite, ces pratiques informationnelles ont des caractéristiques qui font qu’on dit, peut-être, en tant qu’adulte, qu’elles n’existent pas. En réalité, elles existent très largement en dehors du regard et des espaces fréquentés par les adultes. Par exemple, les créateurs de contenus et les médias 100% vidéo, sont beaucoup moins identifiés par les adultes que par les ados.
Deuxièmement, ce sont des pratiques informationnelles qui ne correspondent pas à ce que les adultes appellent eux-mêmes des pratiques informationnelles. En clair, quand on demande à un adulte comment il s’informe, celui-ci pense à l’information “sérieuse” : politique, nationale, internationale etc… Mais du coup, quand on interroge pour la première fois un adolescent, il va également nous répondre cela, car il pense que c’est la réponse qui est attendue. Or, de fait, surprise, un enfant de 12 ou 13 ans n’est pas forcément hyper-intéressé par la géopolitique… Par contre, les adolescents ont des pratiques informationnelles très riches sur des loisirs, des centres d’intérêts, mais aussi sur des questions de société parfois graves. Je pense par exemple à la sexualité,à la santé, aux violences sexistes et sexuelles…


➤ Intervieweur 1 : Votre conférence aux Boussoles du Numérique s'intitule “Grandir informés avec l’école, une éducation politique”, est-ce que vous pourriez éclairer nos auditeurs sur ce que vous entendez par “éducation politique” ?

➤ Anne Cordier : En réalité, parler de politique dans l’éducation, c’est signifier que l’éducation est au service de la cité, puisque la “politique” renvoie à prendre sa place dans la “cité”. Cela signifie pour moi que l’éducation doit systématiquement penser l’inscription sur le court, moyen et long terme, de l’individu dans la société.
Concrètement, parler d’éducation politique, c’est aussi dire que c’est une éducation où se niche des enjeux essentiels d’égalité des chances, dont on parle finalement peu, et notamment en rapport avec l’information et les médias… C’est aussi une éducation où se nichent des inégalités de genre et des problématiques de choix, par exemple à travers les outils. Un exemple que je prends souvent est l’espèce de fantasme autour de la technique et du fait qu’il faut s’emparer des outils technologiques et de toutes les innovations… OK… Mais à quel moment questionne-t-on les modèles économiques qui sont derrière, et du coup aussi, la liberté et la société qu'on construit à travers l’utilisation des outils numériques… ?


➤ Intervieweur 2 : Lors d’un entretien réalisé lors des NetJournées en 2016, vous avez déclaré “qu’avec le numérique, les adultes avaient le sentiment d’avoir face à eux un ado et un monde infini qui leur échappait et dont ils ne voyaient pas les contours”. Est-ce que vous diriez que la vision des adultes sur le monde numérique a évolué aujourd’hui ?

➤ Anne Cordier : J’aimerais pouvoir l’affirmer complètement… J’ai le sentiment que les lignes ont bougé, notamment juste l’après-Covid, où j’ai entendu des adultes et des journalistes parler du rôle des réseaux sociaux, notamment dans les sociabilités familiales, dire combien les réseaux sociaux avaient permis aux enfants éloignés de leur famille de faire lien social…
Mais les adultes ont la mémoire courte… Et quand j’entends, en ce moment même, en 2023, des adultes donner la parole et s’émerveiller face à un autre adulte qui parle à nouveau de “crétin digital” pour qualifier l’adolescent, quand je vois des reportages, sur des chaînes de grande audience, parler “d’autisme virtuel” en lien avec les écrans, j’ai le sentiment, parfois, d’être un peu Don Quichotte… C’est à dire, de me battre un peu contre des moulins à vent, parce qu’il y a, d’une part, une recherche très sérieuse qui est menée sur le plan international par des chercheurs de tous les domaines, qui montre, très concrètement, qu’il y a des pratiques informationnelles, communicationnelles, du lien social, des compétences vidéo-ludiques grâce aux jeux vidéos… et à côté de ça, on a un retour de balancier qui semble permanent…
Mais comme je suis quelqu’un d’une nature optimiste, qui croit en l’éducabilité des individus, j’aime à penser que le respect va gagner à la fin !


➤ Intervieweur 2 : Votre dernier ouvrage, Grandir informés, paru en Mai 2023, souligne les responsabilités essentielles de l’école, particulièrement en matière d'Éducation aux Médias et à l’Information. Pour poursuivre sur ce décalage que vous pointez entre ce que perçoivent les adultes et les pratiques effectives des jeunes, pensez-vous que les parents pourraient, eux aussi, bénéficier de cette éducation, afin de contribuer à celle de leurs enfants, aux côtés de l’école ?

➤ Anne Cordier : Alors, en fait, c’est intéressant, parce que dans la recherche que j’ai mené, les parents en bénéficient déjà ! Il ne faut jamais oublier un phénomène qu’on appelle, en sociologie, la rétro-socialisation. C’est à dire que les enfants et les ados apprennent, grâce à l’école et à leurs enseignants, des démarches d’informations, découvrent des choses, des ressources et sont ensuite nombreux à répercuter ces apprentissages dans le cercle familial, à en parler à leurs parents et parfois à leur dire “Non mais attend, partage pas ça”, “Mais non mais ça se fait pas comme ça, vérifie ta source”...
Ce sont des phénomènes d’éducation, que l’on voit, certes, peu, et que l’on ne voit que si on va s’intéresser aux terrains concrets et qu’on y passe du temps… La recherche demande du temps, mais si on le fait, on l’observe vraiment !

La deuxième réponse, sur cette éducation qui doit bénéficier aux parents, j’aurais
tendance à dire que l'Éducation aux Médias et à l’Information est pour tout le monde dans la société, que ce soit comment on fait une recherche, s'interroger sur ce que sont les sciences sociales… La culture des sources, par exemple, qui doit être promue pour les enfants et les ados, doit l’être aussi pour tous les adultes, quel que soit leur milieu professionnel… Parce que les adultes ignorent, vraiment, en grande partie, ce que leurs enfants et leurs adolescents font… Mais comment fait-on société quand on ignore ce que l’autre fait et ce que l’autre est, finalement, profondément ?


➤ Intervieweur 2 : Pour nos auditeurs qui n’auraient pas pu assister à votre conférence, est-ce que vous auriez quelques points importants à souligner ?

➤ Anne Cordier : Lisez Grandir informés ! [Rires]
S’il y a un message principal, c’est celui de sortir des focales obsessionnelles qu’on peut avoir, type les réseaux sociaux, Tik Tok, pour en fait voir la réalité sociale qui est que les adolescents adorent par exemple parler du Journal Télévisé, comme d’un rituel familial, notamment dans les milieux populaires !
Donc quand on a une espèce d’obsession des réseaux sociaux, en disant qu’ils sont isolés, ils ne font que ça etc…, en fait, on se trompe… Et du coup on loupe le coeur de cible aussi, parce que ça veut dire que quand on fait de l'Éducation aux Médias et à l’Information, cette obsession de focale fait littéralement écran à d’autres problématiques qui sont par exemples “comment j’accorde ma confiance à telle personne qui s’exprime sur telle chaîne ?”, “comment j’accorde ma confiance à telle chaîne YouTube ou tel créateur de contenu ?”... Et ça on ne peut le faire que si on compare les jugements de crédibilité qu’on va donner…

Il y a peut-être aussi un élément qui me paraît vraiment important : insister sur les inégalités sociales, qui sont flagrantes. Non pas pour dire que les milieux populaires s’informent mal ou s’informent peu, ce qui est absolument faux. Ce sont d’ailleurs des milieux où j’ai été frappée des sociabilités informationnelles, en famille, parfois bien plus d’ailleurs que dans les milieux favorisés, contrairement à ce qu’on pourrait penser.
Mais quand je parle d’inégalités sociales, c’est par exemple le sentiment de confiance qui est très différent… Les enfants et ados des milieux défavorisés ont nettement moins confiance en leurs capacités à évaluer l’information, que les enfants de milieux favorisés… alors que dans les faits, il n’y a pas de différence. Mais il y a un sentiment d’insécurité dans la capacité à évaluer l’info qui est très différent en fonction du milieu social duquel on vient. Et cela est hyper important pour ensuite appréhender le monde informationnel et ensuite, entre guillemets, vendre ses propres pratiques informationnelles, les valoriser.


➤ Intervieweur 2 : Merci beaucoup !
➤ Anne Cordier : De rien !
Revenir en haut Aller en bas
 
Interview d’Anne Cordier à l’occasion des Boussoles du Numérique 2023, sur la thématique des Pratiques numériques et informationnelles des adolescents.
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Kesadoc :: Le blog :: Apprendre / A prendre-
Sauter vers: