Clément ROMAC est chercheur en informatique à l’INRIA, Doctorant dans l’équipe Inria Flowers Formateur, Recherche en lien avec la start-up Hugging Face.
Nous avons eu l'occasion de l'interviewer lors des Boussoles du Numérique 2023, organisé par l’Anaé, la Région Nouvelle Aquitaine et le SRANE sur la thématique “ De la naissance de l’IA aux IA génératives”.
A cette occasion, l’un des ateliers proposés, animé par Clément Romac et Canopé Bordeaux, auquel nous avons assisté, consistait à : découvrir le panorama de l’IA, en comprendre le vocabulaire, les mécanismes, décrypter les IA génératives et leur impact sur les pratiques pédagogiques.
“L’école versus numérique et intelligence artificielle : Dans un monde porté ou bousculé par l’augmentation exponentielle des technologies et les flux puissants de la mondialisation, comment l’école peut-elle répondre, faire face, mais aussi mettre à profit cet univers numérique en constante évolution ?” - Citation Educavox
27 septembre 2023 : Quatrième édition des « Boussoles du numérique IV : les Docks » - Educavox, Ecole, pédagogie, enseignement, formation
Clément Romac, doctorant en Informatique et spécialiste de l’Intelligence Artificielle, a répondu aux questions des étudiants du master MEEF Documentation de l’INSPE.
https://audioblog.arteradio.com/blog/212130/podcast/214086/les-intelligences-artificielles-vues-par-clement-romac
[h4]Étudiant : Bonjour monsieur Romac, pouvez-vous commencer par vous présenter?
Clément R : je m’appelle Clément Romac, je suis doctorant donc je fais un doctorat actuellement à l’Inria qui est l’institut national de recherche en informatique automatique qui est donc un institut public français. Moi je suis spécialisé dans l’apprentissage automatique donc c’est un champ de l’intelligence artificielle et plus particulièrement ce qu’on appelle l’apprentissage par renforcement; donc c’est l’idée de modéliser des principes d’apprentissage qui sont basés sur l’essai erreur d’avoir un algorithme qui essaie des choses et qui reçoit une récompense positive ou bonne et qui va s’adapter. Ma thèse est plus particulièrement sur appliquer ce genre d’apprentissage aux gros modèles de langage donc comme ChatGPT par exemple et donc l’idée c’est de voir comment ces modèles de langage là peuvent être utilisés au delà d’un contexte juste d’interaction via un chat bot avec avec des humains mais dans un contexte plus large où ils vont interagir avec un environnement au sens plus large donc l’environnement ça peut être via un robot par exemple ça peut être via des appels à Wikipédia voilà et comment surtout ces modèles peuvent apprendre de leurs interactions. Et juste pour finir ma thèse est financée, je travaille à temps partiel chez Hugging Face, qui est une entreprise franco-américaine qui est du coup spécialisée dans tout ce qui est open source en intelligence artificielle.
Étudiant : Pourriez-vous décrire en quelques mots l’objet de votre intervention et pourquoi c’est important pour vous de participer à des journées comme les Boussoles du numérique aujourd’hui?
Clément R. : Alors il y a plusieurs dimensions là-dedans; la première elle est très personnelle, c’est que c’est un exercice qui est vraiment très intéressant de venir un peu plus dans le contexte plus concret mes recherches sont plutôt théoriques, il n’y a pas de réelle application directe de ce que je fais donc là venir venir les remettre dans un contexte plus concret, c’est très agréable.
Le second axe, c’est que bah en fait, ce sur quoi je travaille en ce moment qui est les modèles de langage, c’est un sujet qui touche au final énormément de gens et du coup je pense que c’est assez important de venir en parler et de venir un peu démystifier ce qu’il y a derrière ça et au final assez peu de scientifique.
Étudiant : Qu’est-ce qui différencie l’IA de l’IA générative ?
Clément R. : Alors c’est une bonne question. Disons que l’IA c’est très très large et dedans il y a un certain nombre de choses qui sont englobées et notamment beaucoup de choses qu’on a faites jusque là qui est plutôt de l’ordre de la résolution d’un problème. Donc on vient résoudre un problème concret, on vient jouer aux échecs, on vient optimiser un trajet en voiture étant donné le trafic étant donné un certain nombre de choses, on vient optimiser le trajet d’un avion étant donné son carburant, voilà ce genre de choses. Ce qu’on voit énormément, c’est plutôt de l’ordre du coup du génératif qui est non plus de résoudre un problème concret mais juste d’apprendre à reproduire du contenu humain et en fait en le reproduisant il y a forcément des choses qui diffèrent de ce qu’avaient fait les humains à l’origine. Et ce contenu ça peut être du texte, ça peut être des images, ça peut être de l’audio, ça peut être des vidéos.
Étudiant : Pourriez- vous nous parler un peu de Hugging Face et quel est votre rôle dans cette start-up ?
Clément R. : Hugging Face, c’est une start-up qui a quelques années qui, à la base, s’était spécialisée plutôt dans tout ce qui est traitement du langage et qui a commencé avec le constat que l’IA était un petit peu scindée en deux choses, la partie scientifique
vraiment recherche et puis une partie beaucoup plus propriétaire qui commençait à distribuer des logiciels et donc il y avait un manque au milieu pour les gens qui voulaient réutiliser ce qui était produit par la communauté scientifique notamment et donc pouvoir faire en sorte que le plus grand nombre s’approprie l’IA et puisse l’utiliser.
Et à partir de là, Hugging Face a commencé à créer une plateforme qui permet à tout le monde de partager des modèles d’intelligence artificielle et des jeux de données et enfin aussi un certain nombre d’outils.
Donc l’idée c’est vraiment de donner accès aux outils d’IA au plus grand nombre et donc moi ma mission chez Hugging Face, elle est dans une certaine partie qu’on appelle en gros recherche qui est de reproduire ce qui est fait par des entreprises qui vont fermer leurs sources donc par exemple des choses comme ChatGPT qui vont être fermées. L’idée de mon équipe chez Hugging Face c’est de recréer ces choses là mais de manière totalement libre, publique, open source et les distribuer au plus grand nombre.
Étudiant: Pensez-vous que l’intelligence artificielle générative peut rimer dans le futur avec intelligence humaine dégénérative ?
Clément R. : On parle de faire gagner du temps aux gens, on parle de leur enlever un certain nombre de tâches que normalement ils auraient fait. Donc il y a la question de est-ce qu’on va pas perdre la connaissance de faire ces tâches-là. On donnait l’exemple tout à l’heure de la navigation avec les étoiles, il existe plein d’autres exemples et donc je pense que ce qui est important c’est de faire en sorte que ces outils s’ils permettent de gagner du temps, permettent surtout avec ce temps gagné de faire des choses qu’on n’avait pas pu faire jusque là. Donc j’ose espérer que non c’est pas dégénératif tant qu’on s’en sert pour faire des choses qu’on ne pouvait pas faire jusque là. Et ensuite il y a la notion de “est-ce que ces outils là génératifs sont vraiment en train de générer des choses créatives qu’on était capable en tant qu’humain de faire jusque là?”. Et donc cette question, elle n’est pas assez évidente parce qu’effectivement la créativité c’est aussi s’appuyer sur un certain nombre de choses qui nous ont inspiré, ce que font ces IA génératifs. Mais je pense qu’il y a vraiment le point différenciant entre les humains et ces méthodes là, c’est qu’en tant qu’humain on va effectivement s’appuyer sur des choses qui vont aller plus loin et on va jamais s’arrêter d’aller plus loin alors que ces méthodes là sont arrêtées.
Étudiant : Quel est le principal enjeu de cette évolution dans l’éducation ?Clément R. : Pour moi il y a deux choses. Il y a d’abord la formation que ce soit des élèves et des enseignants, non pas pour qu’ils se servent nécessairement de ces outils mais pour qu’ils comprennent ce qu’il y a derrière, ce que ça implique. Qu’ils s’en servent en sachant vraiment ce que ça implique de s’en servir. Donc pour moi le premier point qui est essentiel, c’est plutôt la formation et le fait d’expliquer ce que c’est vraiment. Parce qu’on a souvent deux types de populations quand on a ce genre d’outils qui sortent.
Il y a ceux qui adoptent tout de suite et qui y vont à fond. Et puis il y a ceux qui sont totalement contre et qui ne veulent pas du tout s’en servir. Et donc l’idée, c’est surtout de donner un certain nombre de connaissances à ces personnes et après elles en font une autre.
L’autre question, c’est est-ce qu’on en a vraiment besoin ? Est-ce que les enseignants ont besoin de ChatGPT et ne pourront pas avancer sur ChatGPT ou seront en retard comparé à d’autres enseignants qui s’en servent ? Là dessus pour moi, c’est peut-être encore un peu tôt pour répondre à ces questions. Je pense que c’est aussi pas à moi de répondre à ces questions mais plutôt aux enseignants et même aux utilisateurs de voir comment ils peuvent s’en servir. Est-ce que ça les aide dans leur métier ? J’ai des collègues qui ont parlé tout à l’heure, qui ont expliqué par exemple, qui ont travaillé sur des méthodes qui sont derrière Adaptive Math qui permet d’adapter le curriculum, donc la manière dont on va faire évoluer le parcours d’apprentissage. Et en fait, toutes ces méthodes on les crée souvent en s’appuyant sur des connaissances d’un point de vue plutôt sciences cognitives mais aussi en les testant avant sur des apprenants artificiels. Sur des méthodes d’intelligence artificielle. Et donc on sent de notre côté en tant que chercheur qu’il y a sûrement un potentiel pour aider des apprenants humains. Mais en fait il y a un truc à chaque fois sur lequel on se confronte c’est que lorsqu’on veut appliquer des méthodes d’intelligence artificielle à la vie de tous les jours, en fait ce dont on a besoin c’est des vrais utilisateurs. Et donc toutes ces méthodes là si elles peuvent aider comme ChatGPT, si on est toujours en tant que scientifique à dire peut-être que ça va aider comme ça, peut-être que ça va aider comme ça, mais la vraie manière de le faire c’est d’être avec les acteur, dans ce cas, là le personnel éducatif et de voir avec eux comment on peut être donné nos connaissances les aider à résoudre leurs problèmes